Casanova, dernier amour by Pascal Lainé

Casanova, dernier amour by Pascal Lainé

Auteur:Pascal Lainé [Lainé, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ramsay


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Casanova redescendit l’escalier et s’en alla vers le parc. Il ne pouvait songer à dormir dans le trouble où il se trouvait. Les paroles de Pauline l’avaient touché comme s’il devait soudain convenir que sa longue existence n’était véritablement faite que d’une succession d’erreurs ou, pis encore, de tromperies et de bassesses.

Il marchait en se parlant à lui-même, parfois dans un murmure indistinct, parfois d’une voix forte et en accompagnant son discours de grands gestes.

Puis il cessa de débattre avec sa conscience, obligeant au même silence son bon et son mauvais génie dont l’interminable querelle, vainement poursuivie au fil des ans, avait sans doute de moins en moins d’objet. Il tâcha de se guérir de son état de confusion et d’abattement en se consolant, comme il le faisait d’habitude, par l’évocation de ses souvenirs les plus doux ou les plus flatteurs.

Il se revit quarante ans plus tôt, dans la maison d’agrément qu’il avait louée près de la barrière de la Madeleine, à l’abri du tumulte de Paris et surtout des visites indiscrètes, car il était en ce temps-là un homme fort à la mode et devait conquérir sur toutes sortes d’importuns le temps qu’il entendait consacrer aux femmes et aux plaisirs.

Riche de près d’un million de livres que lui avaient rapportées d’habiles spéculations, il voulut s’assagir et faire honnêtement fructifier son capital. Ayant toutes les connaissances chimiques nécessaires, il entreprit de produire sur les étoffes de soie, au moyen de l’impression, tous les beaux dessins que l’on exécutait à Lyon par les moyens lents et difficiles du tissage, et de pouvoir ainsi procurer la marchandise à des prix bien inférieurs.

Casanova devint un chevalier d’industrie. Mais il n’aurait pas été lui-même si, à l’intérêt d’un établissement honnête et lucratif qui le grandissait à ses propres yeux, il n’avait ajouté le bonheur de régner sur vingt ouvrières, toutes jolies et dont la plus âgée n’avait pas vingt-cinq ans. Le sage entrepreneur et l’avisé chimiste qu’il voulait être d’après son bon génie ne prirent malheureusement jamais le pas sur le sultan que son mauvais génie avait transporté dans le plus voluptueux des harems.

Avec le tempérament de Giacomo et son goût prononcé pour la variété, vingt jeunes filles séduisantes étaient un écueil où sa vertu devait chaque jour faire un nouveau naufrage. Casanova fut curieux de la plupart de ces filles qui profitèrent de cette curiosité pour lui vendre leurs faveurs le plus chèrement qu’il leur était possible. L’exemple de la première servit de règle à toutes pour prétendre maison, meubles, argent, bijoux. Or, le caprice du sultan ne durait d’ordinaire pas plus d’une semaine. Dès qu’il avait jeté son dévolu sur une nouvelle favorite, il oubliait tout à fait les anciennes, mais continuait de fournir à leurs exigences. Cela alla si loin qu’en peu de temps on fit saisir tout ce qu’il y avait à l’atelier, hormis les vingt filles elles-mêmes, dont l’entretien fut jugé bien trop coûteux. Casanova y perdit aussi sa maison de la Petite-Pologne, ses chevaux, ses voitures, tout ce qu’il avait, et il échappa de fort peu à la prison.



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